Le hêtre: enjeux écologiques
Lâun des enjeux actuels de lâécologie est de prévoir comment les espèces vont migrer sous lâeffet des
changements climatiques envisagés pour le XXIe siècle. Dans cet objectif, on réalise in silico des
modèles de présence des espèces en fonction des contraintes climatiques ou pédologiques, que lâon
fait tourner sur le siècle à venir en y injectant les scénarios climatiques du futur. Ainsi, nous
avons pu montrer que le hêtre (Fagus sylvatica L.) fait partie des espèces menacées de régression
en France sous lâeffet de lâaugmentation de la sécheresse (Figure 1, Badeau et al. 2009).
Ces modèles, dits « de niche », sont construits en corrélant lâaire de répartition actuelle des
espèces avec le climat dâaujourdâhui. Ils font donc lâhypothèse que lâaire de distribution actuelle
des espèces est en équilibre avec le climat. Or, de nombreux indices nous montrent que cette
hypothèse est en partie fausse. Elle peut être fausse parce que les espèces nâont pas fini
leur mouvement de colonisation depuis la dernière glaciation [Svenning J.-C. et Skov F. 2004].
Mais surtout, elle peut être fausse parce que, depuis lâère néolithique au moins,
lâHomme manipule à grande échelle les écosystèmes naturels.
Cette manipulation a eu des conséquences très fortes dans le domaine forestier : défrichements
massifs du IVe millénaire avant Jésus-Christ jusquâau début du XIXe siècle en France,
puis reboisement rapide.
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En moins de 200 ans, de 1830 à lâan 2000, la surface forestière française a quasiment doublé
[Koerner et al. 2000]. Au-delà de ces mouvements des masses forestières, lâHomme a modifié
à son gré les espèces présentes. Ainsi, le chêne a été longtemps favorisé au détriment dâautres
espèces, en particulier du hêtre, en raison de son usage privilégié comme bois de construction,
de tonnellerie et, surtout, pour la nourriture des porcs.
Toponymie et écologie scientifique : comparaison
Quel est le degré de naturalité de lâaire de répartition actuelle du hêtre en France ?
Se trouvait-il sur une aire plus vaste ou plus restreinte il y a quelques siècles ou millénaires ?
Comment retracer la dynamique temporelle de cette espèce ? Dans quelle mesure son aire de
répartition actuelle peut-elle être utilisée pour modéliser sa niche climatique ? Nous ne
savons pas répondre précisément à ces interrogations. Lâécologie historique offre des
outils maintenant classiques pour aborder ces questions : analyse des pollens et des
charbons de bois, étude des documents dâarchive⦠mais ils nâapportent pas, pour lâinstant,
de vue dâensemble à lâéchelle du territoire national. La toponymie, qui étudie des noms de
lieux fixés depuis des siècles voire des millénaires, offre des pistes intéressantes et
complémentaires pour les reconstructions environnementales. Les toponymes peuvent receler
des traces écologiques anciennes même après leur disparition. Câest le cas pour la présence
des espèces végétales, et des arbres en particulier, ou pour les activités de déboisement.
Lâarrivée à maturité, de façon concomitante, des bases de données toponymiques et des bases
de données écologiques sur la répartition des espèces permet pour la première fois dâenvisager
leur croisement à lâéchelle de lâensemble du territoire national.
L'objectif de ce site est de rendre compte de l'avancement des travaux de comparaison
de la répartition actuelle du hêtre à celle des toponymes qui y font référence,
que l'on suppose refléter au moins en partie la répartition ancienne du hêtre en
France.
Svenning J.-C. et Skov F. 2004. Limited filling of the potential range in European tree
species. Ecological Letters, 7, 565â573.
Koerner W., Cinotti B., Jussy J.H., Benoît M. 2000. Evolution des surfaces boisées en France
depuis le début du XIXe siècle : identification et localisation des boisements des
territoires agricoles abandonnés. Revue Forestière Française, 52, 249-269.
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Données IGN; analyse : D. Tarze, M. Tamine, J.L Dupouey, S. Mustière; conception Web : C. Corbineau, F. Aubert | |
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